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D’un regard l’autre : le Trésor royal d’Abomey

Décembre 2006. Le musée du quai Branly a ouvert ses portes depuis six mois et son premier partenariat avec un pays d’origine de ses collections est hautement symbolique : une exposition à la Fondation Zinsou célébrant, au Bénin, le centenaire de la mort du roi Béhanzin.

 

Treizième souverain de la dynastie royale du Danhomé, celui qui avait pris pour devise : "le requin en colère vient troubler la barre" fut l’une des plus hautes figures de la résistance africaine contre l’impérialisme colonial. Son exil forcé à la Martinique fut aussi médiatisé que les quatre années de son règne (1890-1894), consacrées à protéger son royaume contre les visées expansionnistes de l’Empire colonial français.

 

Tandis que Béhanzin entrait dans la légende, les collections publiques françaises enregistraient leurs premières œuvres issues du Trésor royal d’Abomey. C’est sous le statut d’objets d’ethnographie qu’elles furent pendant des décennies présentées au musée d’ethnographie du Trocadéro - rebaptisé, en 1938, musée de l’Homme. Dans la Salle d’Afrique noire, les "fétiches royaux" illustraient la vitrine intitulée "Dahomey / Fon / religion", tandis que les portes sculptées du tombeau du roi Glèlè étaient uniquement renseignées comme : "Portes sculptées d’Abomey. Dahomey. Don du Général Dodds".

 

A la Fondation Zinsou, l’exposition Behanzin, roi d’Abomey et le catalogue qui l’accompagnait allaient désormais placer les trente œuvres du Trésor royal prêtées par la France, sous le regard de l’histoire. Face aux documents d’archives chroniquant tant la conquête de ce royaume longtemps courtisé par les Européens, que la résistance puis l’exil et la mort de Béhanzin, les œuvres mettaient en scène une autre dimension de l’histoire : celle d’un royaume né au XVIIe siècle, dont le pouvoir dynastique s’appuyait tant sur la continuité héréditaire que sur la permanence des institutions et de leurs supports.

 

Les collections royales, précieusement conservées dans la salle du Trésor, étaient exhibées dans la cité lors d’une procession annuelle. Regalia et arts appliqués exaltaient le pouvoir à travers une imagerie historiée symbolisant chaque souverain. Les sabres ornés célébraient l’invincibilité des amazones, et les instruments de cultes, celle des forces protectrices, sollicitées par les prêtres et les devins. L’exposition avait pour œuvres maitresses deux trônes (matérialisant l’essence même du pouvoir royal) de Béhanzin, emportés par le général Dodds lors de la prise des palais royaux d’Abomey : le premier entré dans les collections françaises dès 1895, le second acquis à Paris en 2004 par Lionel Zinsou pour être rapporté au Bénin. Tandis que l’exposition organisée conjointement au musée historique d’Abomey rappelait la continuité des institutions fondatrices du royaume, à Cotonou la présentation des deux trônes révéla la dimension toujours sacrée, aux yeux du public béninois, de ce patrimoine emblématique.

Commandées par la Fondation Zinsou à Cyprien Tokoudagba – descendant d’une dynastie d’artistes de la cour d’Abomey -, quinze toiles représentant différents emblèmes de Béhanzin ponctuaient le parcours de l’exposition. Au-delà d’un regard contemporain sur les œuvres du passé, dont la présentation valorisait la beauté, cette confrontation portait une perspective engagée : l’entrée des œuvres et des artistes d’Abomey dans l’histoire de l’art.

 

A l’automne 2009 était présentée, cette fois au musée du quai Branly et avec le soutien de la famille Zinsou, l’exposition Artistes d’Abomey, célébrant leur talent et la prodigieuse émulation artistique orchestrée, pendant trois siècles, par les souverains d’Abomey. Libérées du statut de témoins ethnographiques, les œuvres du royaume d’Abomey accédèrent, avec l’exposition Behanzin, roi d’Abomey, à ceux d’objets historiques et d’œuvres d’arts, restituant par la-même, leur part du sacré.

 

Marguerite de Sabran

(extrait du Livre des 10 ans de la Fondation Zinsou)

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