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« Il y a aussi quelque chose de la tradition yoruba, nagô , qui est resté en moi »

« Il y a aussi quelque chose de la tradition yoruba, nagô (1), qui est resté en moi »

« Le vodoun m’inspire énormément. Je pense qu’il y a beaucoup de richesses qu’on peut exploiter à partir du vodoun, même si on n’est pas pratiquant.

Je me rappelle quand on habitait en Côte d’Ivoire (2) et qu’on venait en vacances au Bénin, tous les vendredis soirs ma grand-mère m’amenait à Ouidah pour aller assister aux cérémonies des Egunguns, parce qu’elle était la grande prêtresse de cette société secrète. C’est elle qui faisait la prière. Elle était Iya Alaché (3). Ma grand-mère est purement yoruba, ce sont ses ancêtres en fait qui ont amené le Egungun au Bénin. Elle vient d’Oyo (4) et ses parents sont venus s’installer à Ouidah. J’étais petit et quand elle m’emmenait assister à ces cérémonies, je ne comprenais rien, mais je pense qu’il y a quelque chose qui est resté en moi. Il y a quelque chose qu’elle a partagé avec moi et qui n’est jamais parti. Et à chaque fois, ça revient dans mon travail, ça revient dans ma façon de voir les choses, et je pense que ça m’aide aussi beaucoup. Il y a un attachement et ça se ressent dans mon travail.

Je ne suis pas né au Bénin, c’est donc bien plus tard que je suis allé dans ma famille paternelle pour aller suivre les étapes d’initiation qu’on pourrait faire à un nouveau-né. Ma famille paternelle vient du Nigéria(5). On est installé vers Savè, plus précisément dans un village qui s’appelle Challa Ogoï (6), c’est à quelques kilomètres de Tchaourou. C’est une famille de chasseurs. Donc il y a aussi quelque chose de la tradition yoruba, nagô, qui est resté en moi. Et depuis que j’ai fait ces cérémonies, toutes ces informations, toutes ces choses et moi, on ne fait qu’un, on est associés. Dans mes photos, on ressent cette tradition yoruba, on ressent Ogou (7), les chasseurs, on ressent cela. La couronne aussi par exemple, c’est purement yoruba. Donc, la tradition, que je le veuille ou non, elle est présente dans mon travail.

Et sans être pratiquant, en tant que quelqu’un qui voit et qui respecte la tradition, en tant qu’africain, c’est comme notre passeport. Je ne pourrais pas parler de la religion catholique mieux que ceux qui sont nés dedans. Mais je peux mieux vous parler de ma tradition de chasseur, de la tradition yoruba, parce que je suis né en Afrique. Donc c’est ancré en moi. Il y a un adage (8) qui dit : mon cordon ombilical a été enterré en Afrique, donc je suis en communication avec la terre, je suis en communication avec mes ancêtres. Il y a quelque chose qui vient et qui me pousse. Je vais tout le temps vers des choses en rapport avec la tradition, et j’aime faire des recherches sur ça et partager avec les générations qui vont venir. »

(1) Le peuple nagô vit au Bénin majoritairement.

(2) La Côte d’Ivoire est un pays d’Afrique de l’Ouest frontalier avec le Libéria et la Guinée à l’ouest, le Mali et le Burkina Faso au nord, ainsi que le Ghana à l’est.

(3) Traduction littérale du yoruba : Mère aux pouvoirs.

(4) Au nord d’Ibadan, Oyo est une ville du Nigéria composée à majorité d’une population d’origine yoruba, non loin de la frontière avec le Bénin.

(5) Le Nigéria est un pays d’Afrique de l’Ouest frontalier du Bénin à l’ouest, du Niger et du Tchad au nord, et du Cameroun à l’est.

(6) Challa Ogoï est un arrondissement de la commune d’Ouesse dans le département des Collines au centre du Bénin.

(7) Ogou (ou Ogoun ou Gou) est la divinité de la guerre, de la chasse et du fer dans la tradition yoruba.
(8) Un adage est un dicton, proverbe.

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